Le Journal / Racines

Histoires d’origine

Petite balade à travers quelques racines étymologiques.

Nous avons entrepris des fouilles en quête de racines lexicales. Ces racines couvrent une grande superficie avec des significations variées. Nous avons tenté d’en retracer les vrilles.

Scrollez
“Cher neveu, merci bien pour tes félicitations au sujet de l’acquisition du vignoble. J’espère qu’avec l’aide de Dieu nous pourrons boire du vin ensemble et le ver un verre à notre bonne santé.” Lettre du Baron James à l’occasion de l’acquisition du Domaine Lafite en 1868 ; Almanach des Domaines Barons de Rothschild Lafite.

Fouiller (/fuˈjɛ/ de l’ancien français fooiller, qui signifie “percer”) un peu plus profondément

Nous avons entrepris des fouilles en quête de racines lexicales, c’est-à dire de mots qui donnent naissance à d’autres. Le mot “racine” revêt lui-même plusieurs significations et usages. Provenant du bas latin radīcīna, forme diminutive du latin radix (signifiant racine entourée de terre et aussi racine mathématique, il est aussi à la base du mot ‘radical’, changement à la source), la racine couvre une grande superficie avec des significations variées dont nous avons essayé de retracer les vrilles dans ce journal. 

Les racines importent. Là où l’on partage des racines on partage la nourriture et le vin, soit dans les sacrements, la guérison, les célébrations, la cuisine ou la communion familiale. C’est là la plus élevée et aussi la plus humble des libations, celle qui ancre ses racines dans la tradition.

Explorons donc, comme d’habitude dans une perspective œnologique, quelques racines étymologiques qui nous touchent de près.

Carte de la butte – ou “La Hite” – qui a donné son nom au Château Lafite Rothschild.
Aujourd’hui, le site du bâtiment Alcazar.

Nom propre. /laˈfit/ (Du gascon la hite, qui signifie “la butte”)

Les premières mentions du nom datant de l’an 1234 (belle séquence… vraiment), Lafite est documenté comme Ségneurie médiévale à partir du XIVe siècle. “La hite” provient du gascon, langue occitano-romane parlée principalement dans les régions de Gascogne et du Béarn, au sud-ouest de la France. 

Il y avait probablement déjà des vignes au Château Lafite Rothschild quand la famille Ségur acheta la propriété au XVIIe siècle, mais c’est à Jacques de Ségur qu’on attribue la plantation du vignoble qui a donné à Lafite sa réputation enviable. Et cette renommée est tellement répandue que Lafite possède sa propre entrée dans l’Encyclopédie Larousse. La première mention en anglais date de 1707 dans la London Gazette, qui fit référence à une parcelle de “new French clarets”. Plus tard en 1719, Thomas Jefferson décrit “Lafitte” comme un de ses quatre grands crus de Bordeaux préférés. L’orthographe avec un seul f et un seul t fut adoptée comme norme dans les années 1960.

Nom commun. /kiʃˈnɔt/ (apparemment du moyen anglais kisse me not)


Des
photos anciennes montrent des femmes qui travaillaient le vignoble portant une quichenotte, espèce de chapeau en coton ou lin fin pour protéger contre le soleil. Le mot provient, pense-t-on, du moyen anglais kisse me not, et peut être retracé jusqu’à l’époque où l’Aquitaine était une possession de la couronne anglaise. Apparemment, la quichenotte était utilisée pour dissuader les soldats anglais de courtiser les françaises pendant la Guerre des Cent Ans.


Pablo Serrano, Directeur de la production à Bodegas CARO en Argentine, capté en pleine action dans la cave du domaine.

Nom commun. /sɔməliˈɛ/ (Du français somler, qui signifie “majordome”)

 

Mot désignant à l’origine le maître d’hôtel chez un riche particulier, “somler” provient de “somme”. Une “bête de somme” était un animal de charge et son maître un “somler” ou, plus tard, un sommelier: celui qui était responsable du transport des bagages d’un noble. Outre ses fonctions de surveillance du transport de biens, le sommelier était chargé de choisir les mets et les vins de la maison et de les gouter afin de s’assurer qu’ils n’étaient pas empoisonnés. Heureusement, les temps ont changé et le métier a évolué. Il s’agit désormais pour le sommelier de goûter et de sélectionner, sans danger, les vins en raison de leur convenance et leur qualité.

 

 

Nom commun. /klaˈʁɛ/ (Du latin clarus, qui signifie “clair”)

 

Le mot claret a longtemps été utilisé pour désigner des vins rouges, mais aujourd’hui il fait référence presque exclusivement aux vins rouges bordelais. Autrefois, le claret désignait un  vin clair, fauve ou pâle, distinct des vins rouges ou blancs. Vers 1648 cependant, les clarets avaient acquis une teinte rougeâtre. Le terme “claret” évolua vers “clairet”, qui est le diminutif de clair, lumineux, translucide. Dérivé du latin “clarus”, claret peut aussi signifier brillant et évoquer l’innocence et la pureté. En creusant davantage, on découvre que “clarus” est étymologiquement lié à “clary”, mot utilisé en moyen anglais et ancien français pour désigner un vin sucré mélangé avec du miel et des épices, ou encore une boisson quelconque fortifiée avec des herbes médicinales.


Nom. /plɒŋk/ (Du vieux français “blanc”)

 

Cet affectueux argot dérive probablement d’une prononciation anglaise exagérée du français « blanc ». Il est utilisé familièrement depuis les années 1930 pour désigner les vins de base de toutes variétés. De nombreuses rumeurs alimentent l’étymologie de « plonk », bien que l’OED (Oxford English Dictionary) mette en garde contre ces racines ténues en raison d’un manque de preuves. Une fable veut qu’il ait été adopté pendant la Première Guerre mondiale par les soldats anglais dans les tranchées françaises, qui buvaient tout « plonk » disponible pour se distraire du désespoir. Une autre légende attribue à « plonk » des origines australiennes, reflétant son utilisation généralisée en tant que terme humoristique dans les pays du Commonwealth. Parfois utilisé pour minimiser le statut d’un bon vin, au lieu d’être peu flatteur, il peut suggérer la familiarité et l’affection pour le « plonk » en question, donnant le ton d’une réunion sociale détendue – « apportez une bouteille de plonk ».


Nom commun. /mɛʁˈlo/ (Du français “merle”)

L’histoire des origines du Merlot est assez sympathique. Écrit autrefois sous la forme “merlau”, il fait référence au merle. Il est largement admis que le nom du cépage provient de la similitude de ses fruits avec le plumage noir velouté de l’oiseau, comparable à la texture riche, obscure et douce des raisins de Merlot. D’autres théories suggèrent que le cépage devrait son nom au goût particulier du merle pour voler ces raisins, que l’on trouve plus abondamment dans la région bordelaise. Indépendamment de qui est arrivé en premier, le merle ou le Merlot, l’étymologie du nom fait honneur aux deux espèces en égale mesure.


La fermentation du vin en amphores d’argile se développa à partir de techniques mises au point par les anciens égyptiens.
Au Château L’Évangile, nous avons revigoré les formes les plus traditionnelles de notre savoir-faire et les avons jumelées aux techniques et méthodes contemporaines

Verbe /fɛʁmɑ̃nˈtɛ/ (Du latin fermentare, qui veut dire fermenter)

Vers la fin du XIVe siècle, le mot “fermentation” avait une connotation mystique et philosophique qui le rapprochait de l’alchimie. Probablement dérivé du latin “fervimentum”, lui provenant de “fervere” qui signifie bouillir, le mot est apparenté au proto-indo-européen “brheu” : qui a le sens de bouillir, bulle, brasser. En buvant les vins de nos domaines, parfois on se demande si l’art de transformer le jus de raisin en vin ne fait de nos vinificateurs de vrais alchimistes. Quoi qu’il en soit, les différentes étapes de la fermentation font partie essentielle de la vinification, bien qu’aujourd’hui nos équipes aient adopté une approche œnologique plus précise. Après tout, la magie est la seule science qui demeure incompréhensible…

L’esprit de famille...
Conformément aux lois de votre pays, vous ne disposez pas de l'âge légal pour accéder à notre site. Merci.