Le Journal / Lumière

Lumière sur Long Dai : la révélation d’un terroir

Retour sur les débuts du Domaine de Long Dai, avec Olivier Trégoat.

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En 2008, dans la vallée de Qiu Shan, en Chine, un pari audacieux se dessine : celui de créer des vins d’exception sur un terroir réputé difficile. Olivier Tregoat, Directeur Technique des Domaines Baron de Rothschild Lafite, nous raconte cette aventure unique, où tradition française et défis chinois se rencontrent pour façonner ce qui deviendra le Domaine de Long Dai.

Qu’est-ce qui a rendu cette aventure humaine si spéciale dès le début ?

Ce qui a vraiment marqué les débuts de Long Dai, c’était la richesse des rencontres et les défis quotidiens qu’on a dû relever ensemble. En 2009, on s’est lancé dans ce projet avec Gérard Colin, qui vivait déjà en Chine depuis 25 ans. Gérard, c’était un personnage. Un œnologue Saint Emilionnais devenu presque chinois (rires). Il était à la fois expert en vin et profondément intégré dans la vie du village. Quand on arrivait sur place, tout le monde le connaissait. C’était un peu l’homme du terroir. Sans lui, on n’aurait jamais pu tisser des liens aussi solides avec les communautés locales. L’un de ses grands amis, Peng, le chef du village de Moulingo où il vivait, est devenu notre chef d’équipe de vignerons. 

Dès les premières semaines, on a dû apprendre les codes de la région. Par exemple, la construction des terrasses en pierres sèches que les paysans utilisent pour prévenir l’érosion sont de vraies leçons d’adaptation au terrain. On s’est inspirés de leurs techniques pour aménager nos vignes. Il y avait une vraie curiosité des deux côtés. Mathieu Pilloton, notre Chef de Culture, venait régulièrement pour former les équipes locales à la taille de la vigne. Mais ce n’était pas seulement une question de techniques : c’était un vrai moment d’échange et de partage.

Les rues du village de Mulangou, voisin du Domaine de Long Dai. Un moment de pause dans les vignes de Long Dai, Gérard Colin et Uli.

Les débuts étaient parfois rocambolesques. On travaillait avec les moyens du bord. Je me souviens qu’il n’y avait même pas de chai ! Les premières barriques étaient en plastique, c’était assez minimaliste. Et lorsqu’on n’était pas dans les vignes, on continuait de découvrir : sur le plan culinaire, nos papilles ont rencontré des choses pour le moins surprenantes dont, nous français, n’avions absolument pas l’habitude ! Eric Kohler, directeur technique chez DBR, peut témoigner des brochettes de viandes préparées sur des trottoirs à même le sol… (rires) On y a finalement pris goût ! Tout cela faisait partie de l’aventure, et c’est ça qui rend ces souvenirs si précieux.

Les cultures en terrasses, dans les vignobles du Domaine de Long Dai (Chine).

Quels étaient les principaux défis pour développer Long Dai ?

On s’attendait à des défis, mais la réalité a dépassé tout ce qu’on avait imaginé. Le climat, pour commencer, était d’une intensité incroyable. Des hivers à -30°C, puis des étés brûlants… La vigne était soumise à rude épreuve. Le sol et le climat étaient un vrai casse-tête. On a découvert des sols granitiques, schisteux, parfois avec du marbre. En 2010, lorsqu’on a dû choisir les cépages en fonction des sols mais aussi au regard de la climatologie locale, le Cabernet Sauvignon et le Cabernet franc étaient des choix évidents. Le Marselan, un croisement entre Grenache et Cabernet Sauvignon, s’est aussi bien adapté. Par contre, le Merlot n’a pas aimé la chaleur, donc on a progressivement arrêté d’en planter. Chaque parcelle a été étudiée et aménagée. 

Aujourd’hui, en 2024, on compte plus de 550 terrasses ! 

Une vue aérienne du Domaine de Long Dai.

Je pense aussi à un autre défi, ou plutôt un invité surprise : le Ripe Rot, un champignon qui attaque les raisins à maturité et engendre des pertes de récolte. Depuis 2014, on bosse avec des chercheurs et ingénieurs pour comprendre sa biologie et limiter son impact sur nos récoltes. C’est pas encore gagné, mais on avance. Puis il y a eu les autorités locales aussi…

Et justement, comment la relation avec les autorités locales a-t-elle influencé l’implantation du domaine ?

En Chine, les choses sont différentes qu’en France. Personne n’est vraiment propriétaire, et il fallait établir une relation de confiance avec les autorités locales. Ça demandait de la patience. On ne pouvait pas se contenter d’arriver avec nos idées toutes faites. On devait écouter, comprendre leurs attentes, et construire quelque chose ensemble. Au début, on avait toujours un représentant du parti qui nous suivait partout où on allait. 

L’équipe DBR Lafite à l’occasion du lancement du projet. De gauche à droite : Eric Kohler, le Baron Eric, Gérard Colin, Christophe Salin, avec des collaborateurs du vignoble et des représentants des autorités locales.

Mais ce qui a fait la différence, c’est le lien avec les paysans du village. Olivier Richaud, ancien Directeur Général de Long Dai qui est arrivé en 2012, a su tisser ces liens de manière encore plus profonde. Il était sur place, en contact permanent avec les artisans qui construisaient les murs de terrasses, et avec les équipes locales qui apprenaient les nouvelles méthodes de viticulture.

Juliette Couderc, qui a pris la suite d’Olivier en 2018, a énormément contribué à renforcer ce lien. Elle a appris le chinois, s’est impliquée dans la vie locale, que ce soit en rejoignant une équipe de rugby du village voisin ou en participant à des tournois de badminton. 

Olivier Richaud et son équipe.
Olivier Tregoat, Juliette Couderc et Lao Huang dans les vignes de Long Dai.
Olivier Tregoat et Olivier Richaud en pleine observation du vignoble.


Pouvez-vous nous parler de la culture des terrasses et des autres cultures locales présentes à Long Daï ?

Quand on est arrivé, les terrasses étaient déjà là. Les paysans y cultivaient des pommiers, des pêchers, des cacahuètes… mais pas la vigne. Ces cultures étaient le résultat de générations d’adaptation au climat difficile de la région. C’était impressionnant de voir à quel point tout était pensé pour préserver l’eau, éviter l’érosion et optimiser chaque parcelle. Les terrasses nous ont permis de contrôler les apports en eau, surtout pendant les périodes de mousson. 

L’équipe de Long Dai à l’œuvre, à l’occasion des premières vendanges.

Et depuis vos premières récoltes en 2017, ça donne quoi au niveau de la dégustation ?

A l’été 2024, on a eu la chance de déguster tous nos millésimes entre 2017 et 2021. J’ai été agréablement surpris ! Les 2017 tiennent bien et se sont très bien révélés. Je suis revenu en France avec beaucoup de confiance en l’avenir du domaine. 

Et puis, on ne s’arrête pas là. Cette année, nous avons planté nos premiers cépages blancs. Nous avons aussi constaté que nos vins méritaient un élevage un peu plus long, le millésime 2022 en sera le premier exemple. C’est un nouveau chapitre qui s’ouvre, une nouvelle aventure que j’ai hâte de voir évoluer.

Quels conseils donneriez-vous pour réussir dans des régions viticoles inconnues ?

Il faut être patient, observer et apprendre. Les plus gros défis ne sont pas techniques, ils sont culturels. 

Il faut comprendre la culture locale, discuter avec les habitants, comprendre comment ils travaillent la terre. Il ne faut jamais arriver en terrain conquis. La nature et la culture locale ont toujours des leçons à nous donner.

L’avenir est devant le Domaine de Long Dai : aussi grand que la vue offerte.

“Les plus gros défis ne sont pas techniques, ils sont culturels.”

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